Carte des levées de la Loire selon Roger Dion
De toutes les particularités du paysage dans son étendue, on va retenir la présence des levées destinées d’abord à protéger les cultures contre les épandages de sables et graviers par les crues, puis à fixer un chenal navigable et enfin à porter une route nouvelle. Cette suite de levées d’âges variés et de formes diverses constitue l’ensemble le plus important d’Europe pour protéger des inondations fluviales, le plus grand aménagement médiéval : sur 45 km de Saint-Patrice à Saint-Martin-de-la-Place, elles datent du XIIe siècle dans leur première fondation.
Les turcies, gabionnages et talus empierrés, reliaient entre eux les sites habités avec pour but d’arrêter les crues mineures et de laisser se déposer les limons des inondations plus importantes. Ces petits ouvrages d’origine paysanne étaient insuffisants pour un grand aménagement agricole et un développement de l’habitat que l’essor du peuplement du XIe siècle allait exiger. Aussi Henri II Plantagenêt, permit-il à l’Abbaye de Saint-Florent de Saumur d’édifier la première des grandes digues, celle déjà mentionnée, de Saint-Martin-de-la-Place à Saint Patrice. Désormais la Loire a un lit fixé plus sûrement qu’auparavant, les inondations ordinaires sont ainsi endiguées et le peuplement peut s’accroitre sur les terres fécondes à défricher, tandis que les zones les plus basses, anciens lits de débordements, voire bras anciens d’une Loire plus abondante jadis, seront petit à petit des prés de fauche pour le si précieux fourrage des animaux de trait.
Mais cet “enfermement” ne correspondait que sur un court tronçon aux besoins de la navigation. Aussi au cours des siècles le système des levées se complète, avec entre Vouvray et Chouzy un rétrécissement du lit de débordement à 300m environ pour aider à l’évacuation des sables. Cet aménagement du temps de Louis XI n’aura pas les effets espérés, pas plus qu’en amont de Blois un calibrage comparable de la largeur du lit endigué.
Cependant jusqu’à nos jours les levées restent le principal ouvrage de défense du Val contre les inondations, même si le XIXe siècle en a connu encore de particulièrement destructrices. Qu’il y en ait plus rarement aujourd’hui tient moins au renforcement des ouvrages qu’au reboisement du haut bassin ligérien, où la destruction des forêts du Vivarais, du Velay et de l’Auvergne, au profit notamment des forges du Nivernais, avait un effet catastrophique sur la régulation des écoulements.