Élever des barrages
Faut-il élever des barrages ou s’élever contre eux ? L’opposition qui a grandi à la fin des années 1980 a mis un coup d’arrêt à la tentative de maîtrise totale du fleuve.
À la fin du XIXe siècle, plusieurs barrages destinés au développement industriel et à la production d’électricité sont construits sur la Loire et ses affluents. Au cours du XXe siècle, des barrages plus importants sont mis en service.
Le programme de construction de quatre centrales nucléaires précipite la réalisation de ceux de Naussac sur un affluent de l’Allier (1983), et Villerest sur la Loire (1984). D’autres réalisations imposantes doivent suivre, pour parachever la maîtrise de l’ensemble du cours du fleuve. Le contrôle des crues ouvre ainsi la voie à l’urbanisation des plaines inondables.
La crue meurtrière survenue en Haute-Loire en septembre 1980 accélère les décisions : sous l’impulsion des élus, l’Établissement public d’aménagement de la Loire et de ses affluents (Epala) est créé en 1983 en vue de mener un vaste programme d’aménagements. Quatre barrages sont prévus : Serre de la Fare sur la Loire, Chambonchard sur le Cher, Naussac II et le Veurdre sur l’Allier. L’objectif : contrôler les crues, créer des réserves d’eau pour l’agriculture irriguée et surtout assurer le refroidissement des centrales nucléaires.
Des aménagements à contre-courant
Le 13 janvier 1984, Jean Royer, alors maire de Tours et ancien ministre, est nommé à la présidence de l’Epala. Le 13 février 1986, un protocole d’accord entre l’État, l’Epala et l’Agence de l’eau Loire Bretagne est signé.
Les acquisitions foncières et les études avancent malgré les alertes de spécialistes, comme le responsable de l’Institut des plaines alluviales, qui adressent un courrier à la secrétaire d’État à l’Environnement :
« De par notre spécialisation dans les plaines alluviales d’Europe, nous savons déjà maintenant combien sont sévères les pertes de tels biotopes [...]. Nous avons en outre une large expérience relative à l’aménagement du Rhin et du Danube : dans ces deux régions, les impacts ont été extrêmement négatifs, en particulier l’abaissement du niveau de la nappe phréatique et l’élévation des hauteurs de crues. »
Une étude d’impact globale à l’échelle de l’ensemble du bassin versant de la Loire est alors demandée pour mesurer et comprendre les effets des aménagements en Loire amont. La confrontation devient à la fois politique et technique.