Une Loire sauvage ?
Issu du combat contre le barrage de Serre de la Fare, à la fin des années 80, le Plan Loire grandeur nature concilie protection des habitants contre les crues et respect de la dynamique fluviale.
Pour les détracteurs du plan d’aménagement de l’Epala, pas question d’ajouter de nouveaux barrages sur la Loire sans garantie scientifique de leur efficacité. À partir de 1987, le collectif Loire Vivante (qui deviendra SOS Loire vivante) obtient le soutien du WWF et le financement d’un poste de coordinatrice en la personne de Christine Jean. Aux nombreuses études de l’Epala sont opposés des arguments scientifiques qui confortent une mobilisation citoyenne. Plusieurs chercheurs, dont Bernard Rousseau, du CNRS, considèrent que de tels ouvrages limiteraient, mais n’éviteraient pas une montée des eaux en cas de forte crue.
Il faut la venue du prince Philip, président du WWF, au bec d’Allier, pour que la lutte s’amplifie. En proclamant « Vive la Loire sauvage », le 14 octobre 1988, le duc d’Edimbourg invente un slogan dont l’écho résonne encore. Les arguments des partisans des barrages – garantie de quantité d’eau suffisante pour l’industrie, l’agriculture et l’eau potable, développement du tourisme – deviennent inaudibles. Pour les écologistes, la dynamique fluviale, garante de la richesse biologique du fleuve, ne saurait être entravée.
En travers de la gorge
Début 1989, le site de Serre de la Fare est occupé par des militants. Le combat devient populaire et le collectif, conforté par les bons résultats des élections municipales du Puy-en-Velay, obtient la suspension des travaux et une nouvelle étude à la demande de Brice Lalonde, secrétaire d’État à l’environnement. Outre la disparition du paysage des gorges, les naturalistes s’inquiètent pour les nombreuses espèces d’oiseaux qui nichent sur les grèves et les poissons dont le cycle de vie dépend du fleuve. La forte mobilisation, les actions collectives et l’occupation du site du futur barrage pendant plus de cinq ans ont eu raison de son édification.
L’annulation de la déclaration d’utilité publique amorce un processus d’abandon du programme. Actée par Michel Barnier, ministre de l’environnement, en janvier 1994, cette nouvelle culture qui concilie la protection des habitants et la restauration des écosystèmes est encouragée par l’avènement du Plan Loire grandeur nature.
L’abandon des barrages s’accompagne du choix de zones d’expansion des crues, du renforcement des digues et du développement d’infrastructures touristiques comme la Loire à vélo. L’inscription du Val de Loire sur la Liste du patrimoine mondial, en novembre 2000, participe de cette nouvelle approche d’un territoire considéré comme un patrimoine commun sur lequel il faut veiller collectivement.