Vue sur le mont Gerbier-de-Jonc. Au premier plan, une prairie fleurie.
Le mont Gerbier-de-Jonc. ©Jean-Félix Fayolle

Histoire de ruisseaux

"L’histoire d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini.”

Histoire d’un ruisseau, Élisée Reclus, 1869

Elle pourrait commencer comme ça l’histoire de la Loire. Elle pourrait commencer là : de ces premières eaux qui sourdent de terre et remplissent les multiples narses constellant le pourtour du mont Gerbier-de-Jonc. De ces sources dont s’échappe un faisceau de rus – minuscules veines d’eau qui circulent au milieu des mousses, populages des marais et autres saxifrages, hydratent les tourbières, et se rassemblent en un premier ruisseau. De ce discret ruisseau puis du suivant, l’Aigue Nègre, dont les eaux sombres se mêlent à la Loire et à son histoire – tantôt vu comme sa source véritable, tantôt comme son premier affluent.

Mais revenons aux sources : combien sont-elles, anonymes, dissimulées derrière les écriteaux des trois « officielles » (l’Authentique, la Géographique, la Véritable) ? Quarante, cinquante, peut-être cent ? On ne le saura jamais à vrai dire. Les cartes IGN, d’ailleurs, indiquent simplement sources de la Loire, étrangères à la « guerre des Loire » locale qui cherche une histoire unique là où se nouent des histoires multiples.

Aux sources d’un mythe

Multiples, les sources de la Loire irriguent des imaginaires qui enchantent autant que leurs réalités déchantent. Hier claires comme de l’eau de roche, aujourd’hui de plus en plus troubles, elles changent de nature à mesure que l’on révèle, parmi d’autres maux, leur contamination en microplastiques. Et nous changeons aussi quand on apprend que la Loire naissante n’échappe pas à la nouvelle donne posée par nos modes de vie perfusés de matières plastiques. Et qu’il en va de même tout au long de son cours, à la surface de ses eaux comme dans l’épaisseur de ses sédiments. Nous changeons aussi quand on comprend que la Loire n’est pas celle que l’on croyait. Qu’elle est tout autre chose qu’une ressource en eau ou un paysage inerte – une autre Loire, plurielle, vivante, réactive. Et que les histoires de ce fleuve « qui naît et se perd dans la mousse » sont… infinies.

 

 

Illustration principale : Le mont Gerbier-de-Jonc. ©Jean-Félix Fayolle