Loire sentinelle. Remonter aux sources

Fleuve, réseau hydrographique, continuité écologique, écosystème, anthroposystème... La Loire est tout cela à la fois : un monde fait d’autres mondes.

Biologistes et fondateurs de la structure d’exploration et de culture scientifique Natexplorers, Barbara Réthoré et Julien Chapuis sont à l’origine du projet Loire Sentinelle, situé à la confluence des sciences, des arts et de la médiation.

"L’histoire d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini.”

_{Histoire d’un ruisseau, Élisée Reclus, 1869}

Rieu-tord : littéralement, ruisseau sinueux ; là où la rivière se tord. Fiché sur le plateau ardéchois, le village et sa proche région concentrent à la fois la mythologie qui se rapporte au fleuve naissant et la démesure des ambitions humaines à son endroit.

Petit matin, deux silhouettes s’éloignent à contre-courant dans leur canoë, slalomant entre les îlots qui jalonnent ce “fleuve de sable”. Depuis quelques jours, les orages passent et déferlent parfois au-dessus de nos têtes.

L’une des pensées qui m’ont le plus occupée, pendant que je participais à cette descente de Loire, tient à son nom. “Loire” vient du latin Liger, Ligeris, probablement dérivé du gaulois liga, qui désigne la boue, le marais, la “lie”.

De mai à juillet 2022, des sources à l’estuaire, un collectif composé de scientifiques, d’artistes et d’auteur·es descend le cours intégral du fleuve pour sonder son état de santé. À bord de leurs "canoës laboratoires", iels embarquent notamment deux protocoles scientifiques d’un nouveau genre : le premier, pour collecter les microplastiques délaissés par les seuls humains dans les eaux et sédiments de Loire ; le second, pour détecter les traces ADN laissées par tous les êtres vivants et ainsi révéler leur présence. Une enquête au long cours, sur la face invisible de la Loire, qui livre ici ses premiers résultats et pose une question centrale : comment relier nos modes de vie à la vie du fleuve ?